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Dans Il Decamerone, en français Le Décaméron, Boccace réunit des personnages qui content chacun une histoire. Ils se sont réfugiés à la campagne afin de s’éloigner d’une épidémie de peste. Jouir de la vie, enfin, d’un peu de vie en dépit, voire en raison même de la menace qui plane. La joyeuse assemblée des Italiens imaginés par le poète est peut-être une métaphore de la culture elle-même, six siècles et demi après que Boccace a écrit son recueil de dix histoires. « On n’a jamais autant parlé de la culture depuis qu’elle risque de disparaître » a fait remarquer Balthasar Klossowski de Rola, le peintre Balthus, le châtelain du Grand Chalet de Rossinière, en Suisse, dans un entretien publié. Ce n’est pas directement la peste noire qui nous guette – sauf accident – mais la frénésie, l’éradication progressive de l’imagination et de la créativité, l’épuisement des humains, des ressources, voire des sols ! Quoi de plus solide que le… sol ? La terre ferme ? Eh bien même cette base est désormais malmenée. L’agriculture non durable est passée par là. Les amateurs de culture, les personnes imaginatives ont quelque affinité avec ces Italiens fictifs du Trecento rassemblés à cette fin peut-être déjà subversive de se raconter des histoires. Egratigner l’imagination a des conséquences dont parle Jessica Villarroig dans Les Refus d’apprendre. L’intéressée enseigne la littérature à des élèves de la filière soins-études et démontre à quel point la littérature se révèle nécessaire. Après, il est permis de s’interroger sur les œuvres incluses dans le programme. Britannicus ou Le Roman comique ? Je préférerais Phèdre à Britannicus parmi les œuvres de Jean Racine. Je ne verrai pas ma cote de popularité croître auprès des spécialistes d’histoire romaine – j’aime pourtant cette discipline, qu’on ne se méprenne pas sur mes goûts – mais l’enchaînement dramatique de Phèdre me paraît plus parlant, dans le monde d’aujourd’hui, plus glaçant que l’écho théâtralisé d’intrigues de palais de la Rome du Ier siècle de l’ère commune. Qu’éprouve Phèdre ? Comment réagit Hippolyte, la cible ? Quelle forme prend alors la riposte de Phèdre ? L’intrigue de cette tragédie – car c’en est une – n’a rien d’un jeu académique en vase clos. Phèdre a été la seule fiction à m’avoir effrayé au-delà de l’âge des lectures enfantines, puisque j’avais quinze ans quand elle a fait irruption dans ma vie. La recette pour se remettre de Phèdre consiste à continuer à lire. D’autres œuvres. A aller de l’avant. Le Rivage des adieux de Catherine Hermary-Vieille peut offrir une bonne voie de rétablissement après Phèdre. Mais à chacun sa stratégie.

Nous voilà donc dans les collines avec nos histoires. Tandis que rôde la peste. Ou ce qui en tient lieu. Les trois vifs ont rencontré les trois morts. Lancelot a vu la dalle du cimetière futur. Il faudra du cœur à l’ouvrage, parce que ce qui n’a été réalisé qu’à moitié ne laisse pas de bons souvenirs. Voire pas de souvenir du tout, quand de longues années ont passé entre-temps.

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